La religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, Marcel Gauchet

La religion dans la démocratie : parcours de la laïcité, Marcel Gauchet
Paris : Folio essais, 1998, 192 p.

INTRODUCTION

Marcel Gauchet est directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, au sein du centre d’études sociologiques et politiques Raymond Aron. Ce grand universitaire est connu pour ses réflexions sur la démocratie et le post-modernisme, cherchant toujours à éclairer et redéfinir les débats actuels à la lumière de l’Histoire. Il fait parfois l’objet de remises en cause pour »  conservatisme » par les sphères intellectuelle et médiatique, comme nombre d’autres universitaires entretenant des rapports de conseil d’expertise auprès des gouvernements successifs.

L’ouvrage est le fruit d’une conférence de mars 1996 au Cercle Condorcet de Paris. La vocation de ce Cercle, profondément citoyen et lié à l’enseignement, est de promouvoir l’esprit critique et de combattre la désinformation. Ce qui inscrit le présent ouvrage dans une démarche de rigueur scientifique, loin des débats passionnés et partiels qui surgissent sur cette épineuse question de Laïcité. C’est d’ailleurs ce qu’exprime l’auteur dès les premières lignes de l’ouvrage : « Ce sont les motifs de cette inquiétude [à propos de la Laïcité en France] que je voudrais essayer d’éclairer à la lumière de l’histoire. »

UNE RUPTURE DANS L’HISTOIRE DE FRANCE

L’auteur évoque en introduction les principes de laïcité à la française, qu’il qualifie de « voie singulière[1] », amorcée par l’Édit de Nantes et les Lumières, en témoigne la constitution de 1946 qui définit ainsi l’État dès l’article 1 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. » Le rapport à la pluralité religieuse et au respect de celle-ci est inscrit, lui, dans la constitution de 1958. Marcel Gauchet place un point pivot dans l’histoire de la laïcité aux alentours des années 1970. Durant cette période, un lent glissement social se serait produit, éloignant définitivement les citoyens de l’emprise de l’Église : les affaires de Dieu ne sont plus celles de la cité.

LE LIEU ET LE MOMENT

L’auteur, suite à son introduction, débute sa mise en perspective historique par quelques remarques. La première concerne la définition de « sortie de la religion » qui n’est pas à entendre comme une éradication de la religion, mais une sortie d’une époque où la religion « commande la forme politique des sociétés[2] ». Les cultes sont dorénavant des structures vivant dans une infrastructure qu’est l’État laïc. L’auteur prend, pour illustrer son propos, l’exemple de la chute des monarchies de droit divin. Les sociétés qui en sont le fruit sont libérées d’un pouvoir très centralisé et sacralisé, fortement imprégné voire interdépendant de l’Église, les citoyens s’approprient la vie de la cité, via un gouvernement représentatif : « [le pouvoir] incarnait ce qui nous dépasse ; il ne sera plus que le délégué de nos ambitions[3]. » On comprend, ainsi, l’aspect profondément révolutionnaire d’un tel changement de paradigme. La laïcisation de l’État résulte (et entraîne, à la fois) d’un changement total de perception du politique.

La deuxième remarque préliminaire de l’auteur consiste à réaffirmer son doute concernant les capacités « explicatives » des termes laïcisation et sécularisation. Marcel Gauchet souligne ici, non pas l’impropriété de ces mots, mais leur incapacité à décrire pleinement le phénomène. Des vocables tels que « secondarisation » ou « privatisation » du religieux lui semblent plus à propos[4].

La dernière remarque préliminaire, enfin, a pour but d’inscrire l’ouvrage dans son temps, celui d’un « palier de décompression assez remarquable[5] » où les processus de sortie de la religion de la sphère publique sont toujours en cours. Ledit palier se caractérise par un « recul des affiliations », une baisse du nombre de pratiquants et de déclarants religieux, non seulement en France mais aussi en Europe. Cette sortie de la religion s’accompagne également d’une disparition de l’histoire — de la foi en l’histoire et en un homme nouveau que pouvaient contenir les idéologies du XXe siècle. « Il nous est devenu impossible de concevoir le devenir en fonction d’une issue récapitulative et réconciliatrice qui nous livrerait la clé ultime en même temps qu’elle ouvrirait l’ère d’une collectivité en pleine possession d’elle-même.[6] » La quête d’un sens caché absolu, d’une réponse absolue a été abolie, l’humanité semble avoir accepté d’être une énigme perpétuelle pour elle-même. Cependant, Marcel Gauchet ne néglige pas les phénomènes intégristes, fortement médiatisés, qui se font jour. Il diagnostique en ceci, non un retour de la religion, mais un retour à une identité communautaire et exclusive, à une volonté de se soumettre à une communauté plutôt que d’exercer un libre arbitre. Parallèlement à ce recul de l’Église, l’auteur évoque également un recul des valeurs laïques qui s’étaient construites en opposition, ou plutôt pour remplacer, dans la sphère publique, la morale religieuse : raison, patriotisme, civisme…

RELIGION, ÉTAT, LAÏCITÉ

Marcel Gauchet retrace ici les origines de la laïcité en France, depuis la Réforme. En acceptant officiellement la présence des Protestants sur son sol, pour mettre fin aux guerres de religion, la monarchie ne met pas en place une laïcité. Les réformés restent une minorité, par opposition à l’Église catholique officielle, et le Roi, en relation directe avec Dieu duquel il tient son pouvoir, les autorise à pratiquer différemment. Si cet événement marque une reconnaissance de diversité religieuse en France, elle ne marque pas l’établissement de la laïcité puisque religion et gouvernement ne sont nullement dissociés.

En revanche, les Lumières, et avec elles l’abbé Raynal, que l’auteur cite longuement, développent les principes d’un État placé au-dessus des religions, qui garantit la liberté de conscience des individus et régule les religions afin qu’aucune n’aille à l’encontre du bien commun et de l’intérêt général. Ce sont ces principes que la Constitution civile du clergé de 1790 reprendra, mais sans entrer dans l’examen des dogmes, souhaitant par-là être plus réaliste et consensuelle. Elle affirme la suprématie de l’État sur l’administration, y compris du sacré, ainsi que la souveraineté de l’État (désormais séculier) au profit des citoyens qui le constituent : « il s’agit d’assigner enfin sa vraie place à la religion, à l’intérieur de l’État, et sous l’autorité de la Nation rétablie dans la plénitude de ses droits.[7] »

Marcel Gauchet dégage ensuite un autre point charnière, autour de 1800, au sein de la révolution industrielle et la naissance d’un esprit libéral. Comme il le formule : « la nouveauté essentielle du XIXe siècle, c’est la mise en place d’une bipartition du collectif (…) entre une sphère de la vie publique et une sphère des intérêts privés, où la famille voisine avec l’entreprise[8] ». Dans cette nouvelle dynamique de primauté de l’individu et de volonté d’associations qu’elles soient syndicales, politiques ou religieuses, résultant de l’émergence de ce qui devient la société civile ; l’État se voit contraint de légiférer, afin d’autoriser et réguler ces mouvements. C’est ainsi que naît la loi sur les syndicats en 1884, les associations en 1901 et enfin la séparation de l’Église et de l’État en 1905. Il s’agit ici de l’aboutissement d’un processus logique et complexe de libéralisation et d’autonomisation mais aussi de représentativité reconnue des groupes sociaux, groupes d’influences, groupes de pensées, etc. plus que d’une question strictement religieuse. La République devient pleinement libérale et représentative, les citoyens sont libres d’organisation (dans les limites prévues par la loi du respect du bien commun), de conscience et de croyance.

S’ouvre, alors, une ère de liberté nouvelle pour le citoyen, dans une République « nouvelle », fondée sur un régime d’assemblée et un suffrage universel, qui tente de représenter au plus juste l’ensemble des citoyens. Marcel Gauchet cite alors le philosophe Renouvier et son analyse des nouveaux rôles que doit endosser l’État s’il se sépare de l’Église : l’enseignement, l’établissement d’un cadre de valeurs et de morale, etc. « [l’État] a charge d’âmes aussi bien que toute Église ou communauté, mais à titre plus universel.[9] » Tout ce qui sera établi, justement, par l’instruction publique. Sans tomber dans l’appellation inexacte de « religion d’État », Marcel Gauchet reprend cependant la définition donnée par Renouvier d’un pouvoir spirituel respectant les libertés de chacun, arbitre d’éventuels « actes [et] ingérences incompatibles avec le droit commun » et régulateur d’éventuelles volontés de se présenter comme rivale de l’autorité civile républicaine. Cependant, la définition d’une morale républicaine reste à faire, et l’État qui s’est placé en position de supériorité par rapport aux religions y parvient par d’autres moyens : l’école et le culte de la Nation face à une Église catholique qui se raidit sur ses positions et refuse le monde moderne. Ce culte de la Nation réside dans les principes démocratiques d’autodétermination et de représentativité de chaque citoyen, grâce et à travers les structures étatiques, créant ainsi un corps hétérogène mais uni autour de principes de gouvernance communs. Chaque individu peut se définir comme il l’entend tout en se sentant membre d’un destin qui le surpasse : non plus divin, mais national.

LA NEUTRALITÉ DÉMOCRATIQUE

Ainsi, la République s’est séparée du divin. Dieu et la politique sont désormais deux domaines distincts : « le salut est affaire individuelle.[10] », pour expliciter, Marcel Gauchet cite Portalis justifiant le Concordat « la religion est la société de l’homme avec Dieu ; l’État est la société des hommes entre eux.[11] » Il aura donc fallu plusieurs décennies pour arriver au résultat théorisé par les Lumières et leurs héritiers, les religions cohabitent et sont comprises dans la démocratie, qui les protège et régule comme toutes associations humaines. Cependant, l’auteur décèle une nouvelle crise de l’État : la disparition du religieux comme sens de tout, la disparition de Dieu dans l’explication de tout, laisse la politique orpheline de son adversaire et d’une partie de sa raison d’être. Finalement, la forme de spiritualité mise dans le fait d’être citoyen et d’exercer cette citoyenneté a elle aussi disparu, une habitude loin de toute revendication s’est installée là où la joie de disposer de droits difficilement acquis s’est évanouie.

Cette vague, apparue globalement dans les années 1970, va de pair avec l’effondrement des idéaux communistes et de l’État interventionniste, avec une libéralisation sans limites dans les États anglo-saxons et la fin des Trente glorieuses. Les états se décentralisent, la société civile s’autonomise de plus en plus, se structure par de nouveaux modes de communication, l’individualisation du citoyen prend encore une nouvelle tournure. Là où il se définissait par diverses appartenances, il tend désormais à se définir par d’autres critères, ne répondant pas à des principes de communautés. L’auteur limite l’aspect positif que l’on pourrait voir en cela, en effet, le corollaire d’une telle redéfinition est également la perte de perspective et d’envie de faire corps avec une nation, une communauté, un quelconque collectif. La société du « secteur privé » a supplanté l’ère « des mobilisations et de la participation[12] ». La démocratie post-1945 se fonde sur une attention aux procédures et à la limitation, à la sauvegarde des droits absolus de chaque individu, plus que sur la volonté de faire corps et d’élaborer des projets communs d’unité nationale.

LE SACRE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE

En effet, on observe une dissolution du concept même de communauté de destin, un « vide au centre du collectif » comme l’appelle Marcel Gauchet. Cette disparition relève à la fois d’attentes déçues des citoyens vis-à-vis de l’État : politiques d’austérité, défaut de l’État-providence, etc. ; et d’une société de plus en plus tournée vers l’individu. Cela représente forcément un excès de responsabilisation dudit individu, « dont nombre de ses bénéficiaires se seraient volontiers passés[13] » analyse l’auteur. Reprenant ensuite des termes freudiens, Marcel Gauchet insiste sur la disparition d’un surmoi, d’abord religieux puis républicain, résultant du désencadrement progressif de l’individu par l’État. Chaque composante de la société actuelle se voit chargée, sans y avoir été préparée, de gérer elle-même ses rapports avec les autres individualités, dans un discours pluriel de volonté égalitaire, d’appropriation de la souveraineté et de recherche de légitimité (parfois au détriment d’autres parties prenantes).

L’auteur invoque alors Rousseau et le Contrat social, remarquant que l’union des individus libres et égaux pour définir un collectif dans lequel ils s’expriment pleinement (« [la particularité de l’individu] prend tout son relief à ses propres yeux lorsqu’elle compte dans la volonté générale[14] ») est aujourd’hui mise à mal dans le désagrégement du collectif et la défiance croissante envers les institutions représentatives. Il en résulte une volonté croissante des individus de « faire un usage public de leurs droits privés[15] », chacun cherchant à faire valoir sa propre individualité, au détriment parfois du collectif, et générant une contradiction plus ou moins grande avec diverses libertés et devoirs de citoyens, notamment en ce qui concerne la Laïcité. L’individu se sent, finalement, affranchi de la nécessité d’embrasser un point de vue collectif, ou même de celle de contribuer ou faire partie dudit collectif.

Cette dynamique des individus et de leurs groupements éventuels n’accepte alors comme seule limite que « le respect des règles assurant leur coexistence pacifique et leur compétition loyale avec d’autres[16] », les appartenances et croyances sont alors, dans une optique tout à fait postmoderniste, régies par les mêmes principes (à l’exclusion d’une quelconque donne financière) que l’Économie de marché. L’individu, comme le consommateur, peut se réclamer de, choisir, opter, se dédire, etc. dans une sorte de libre-échange du domaine intellectuel et moral. La société et la citoyenneté se redéfinissent alors, « Du devoir de désintéressement qui définissait l’homme public (…) à l’injonction tacite de s’aligner sur son intérêt propre[17] » avec les conséquences radicales que cela peut supposer.

L’ÂGE DES IDENTITÉS

L’ère postmoderne est caractérisée par la possibilité d’appartenances multiples qu’elle offre. C’est ce que rappelle Marcel Gauchet dans cette section de l’ouvrage. L’appartenance religieuse, au même titre que l’identité sexuelle, régionale, professionnelle… devient une composante d’identité, sans cesse réévaluée et rehiérarchisée. En effet, chaque individu, selon le contexte dans lequel il se trouve, peut souhaiter se définir en premier lieu par sa religion, ou bien son métier, ou… dans un but de définition et de légitimation de définition de son être. Les identités sont ainsi un moyen mouvant et malléable de choisir son appartenance à une sphère plus restreinte de la communauté globale. Cela ne va pas sans risque, car ces identités parfois endossées comme façade ou par besoin de définition en contradiction avec une altérité, peuvent se durcir autour de pratiques et de traditions. On observe notamment ce mouvement dans le cas des identités religieuses, devenues composante culturelle plus que spirituelle, où « l’accent est d’autant plus porté sur les formes extérieures ou sur les modes de vie que le noyau proprement transcendant de la croyance est plus affaibli.[18] » Aujourd’hui, l’adhésion à un sentiment religieux est d’autant plus fort qu’il résulte d’un choix délibéré de l’individu, intégrant par là même l’existence, de fait, d’une égalité entre les divers cultes tout en, paradoxalement « excluant la considération que d’autres convictions sont possibles[19] », jonglant ainsi entre tolérance et pluralisme au sein de sa conception de l’État. On peut replacer dans ce cadre le grand nombre d’initiatives de dialogue interreligieux (fait rare de débat et d’entente entre appartenances) qui ne s’imaginent pas, particulièrement, concernant d’autres types d’identifications. Les composantes religieuses sont, en tout premier lieu, écoutées par les autorités politiques comme nous le rappelle l’auteur. Par leur lien naturel avec une recherche de transcendance et de moralité, elles transmettent une éthique et une volonté de faire corps pour le bien commun, et assurent par délégation des œuvres sociales, que la République n’a plus forcément les moyens d’assumer.

UNE RÉVOLUTION DU CROIRE

Nous l’avons vu, la République ne représente plus aujourd’hui un idéal d’émancipation et de liberté de l’individu, de justification de son être, comme elle l’était à l’époque des Lumières, cela pour une raison simple, le combat a été gagné. On assiste donc à un retour du religieux, et d’autres formes de croyance, pour justifier de l’existence de l’individu, de sa place dans l’univers, en un mot, de son besoin d’explication métaphysique. La religion n’est alors plus tant un instrument de croyance que d’explication, d’élaboration pour chaque individu d’un propre sens moral par lequel déterminer et justifier ses actions, dans un cadre profane. Elle devient une quête de sens individuel, changeante et en devenir, et non plus une doctrine prophétique, dogmatique et irrévocable.

LES LIMITES DE LA DÉMOCRATIE DES IDENTITÉS

En guise de conclusion, Marcel Gauchet termine son ouvrage en évoquant les limites de la situation actuelle. La démocratie actuelle pousse la représentativité jusque dans ses retranchements : en cherchant à dépeindre au plus juste la société civile, en effaçant l’aspect « supérieur » à cette dernière qu’elle incarnait dans le passé. L’État se fait de plus en plus visiblement proche, compatissant, accompagnant de l’ensemble des identités constituées, au risque, peut-être de perdre une stature qui lui garantissait le respect de chacun. Cependant, s’il perd sa préséance sur les « convictions privées [il] n’en demeure pas moins le garant de la compossibilité de ces convictions dans leur pluralité irréductible : un rôle qui lui fait l’obligation de se tenir absolument à part d’elles pour leur montrer un égal respect[20] ». (Sur cette dernière question, se tenir à part de toutes les appartenances religieuses, revient à une laïcité extrême, perçue à tort par les croyants les plus vindicatifs comme un athéisme forcené.) Les communautés identitaires, quant à elles, se structurent par la différenciation vis-à-vis de l’ensemble, mais ne sont légitimées qu’en relation avec l’État et avec la reconnaissance qu’elles peuvent obtenir de l’ensemble de la société. Elles réclament leur indépendance, mais également l’aide de l’État pour exister. Double mouvement, d’un équilibre périlleux, qui ne tient que par un ensemble de procédures strictes, semblables pour tous, et régies par l’État. Le péril pour la démocratie, dans cette course à l’attention aux identités, est celui d’un intérêt supérieurement porté à « qui participe, et pourquoi, à quel titre[21] » plutôt qu’aux événements eux-mêmes, ou à un projet d’avenir. L’unité et le projet commun deviennent peu à peu un monstre d’assemblages divers, dans l’ombre des considérations individuelles, fruit de pressions populaires diverses, régulièrement insatisfaisant et perpétuellement redébattu. Comme une mosaïque regardée de trop près, la République devient indéchiffrable : « On en arrive à cette contradiction originale d’une société qui se sait incomparablement dans son détail sans se comprendre dans son ensemble. » Au nom de la représentativité de tous, elle ne s’oriente plus vers un bien commun. La démocratie se trouve ainsi face à une crise des égoïsmes, et devra se réinventer.

CONCLUSION

Cet ouvrage dense, complexe et complet fournit un éclairage nécessaire sur la situation actuelle en matière de Laïcité en France, mais pas uniquement. L’analyse d’une société foncièrement individualiste et libérale doutant même du bien-fondé de l’État, que l’auteur développe, s’avère particulièrement pertinente au vu de l’actualité immédiate : la pandémie Covid-19. On a bien vu que nombre d’individus, au péril de leur propre santé et de celle des autres, refusaient une quelconque restriction de leur liberté au profit du bien commun. Cette contestation s’est faite même virulente dans une fraction traditionaliste des minorités religieuses, souhaitant voir les derniers soubresauts d’un État athée et déicide dans l’interdiction de tenir des offices religieux publics. À la lumière de cet ouvrage, on peut largement analyser ces discours comme un durcissement d’identité communautaire (refusant le bien commun national et la responsabilisation de chacun), proclamant une supériorité du rite et de la tradition sur une spiritualité vécue intérieurement. Cet ouvrage dont la langue et la conceptualisation rendent l’accès difficile au néophyte constitue pourtant un apport pertinent à tout débat actuel.


[1] Une rupture dans l’Histoire de France, phrase 7 (l’ouvrage ayant été consulté en format e-pub, les citations seront situées autant que possible par phrase et paragraphe)

[2] Le lieu et le moment ; 1. ; paragraphe 1, phrase 2.

[3] Le lieu et le moment ; 1. ; paragraphe 3, phrase 11.

[4] Le lieu et le moment ; 2. ; paragraphe 2.

[5] Le lieu et le moment ; 3. ; paragraphe 1, phrase 4.

[6] Le lieu et le moment ; 3. ; paragraphe 9, phrase 7.

[7] Religion, État, Laïcité ; La subordination absolutiste ; paragraphe 10, phrase 2.

[8] Religion, État, Laïcité ; La séparation républicaine ; paragraphe 3, phrase 3.

[9] « D’où vient l’impuissance actuelle de la pensée laïque », La Critique philosophique, 1879, t. I, p. 124 ; cité dans Religion, État, Laïcité ; La politique de l’autonomie ; paragraphe 3, phrase 6.

[10] La neutralité démocratique, paragraphe 1, phrase 6.

[11] Discours rapports et travaux inédits sur le Concordat de 1801, Paris, 1845, p. 86 ; cité dans Religion, État, Laïcité ; La neutralité démocratique ; paragraphe 1, phrase 7.

[12] La neutralité démocratique ; La vague libérale ; paragraphe 8, phrase 4.

[13] Le sacre de la société civile ; Le sens de l’individu ; paragraphe 2, phrase 7.

[14] Le sacre de la société civile ; Le jeu des droits ; paragraphe 3, phrase 6.

[15] Le sacre de la société civile ; Le jeu des droits ; paragraphe 6, phrase 1.

[16] Le sacre de la société civile ; Une société de marché ; paragraphe 1, phrase 8.

[17] Le sacre de la société civile ; Une société de marché ; paragraphe 2, phrase 19.

[18] L’âge des identité ; De la tolérance au pluralisme ; paragraphe 3, phrase 5.

[19] L’âge des identité ; De la tolérance au pluralisme ; paragraphe 1, phrase 11.

[20] Les limites de la Démocratie ; L’État et la différence ; paragraphe 1, phrase 5.

[21] Les limites de la Démocratie ; Vers la dépossession : paragraphe 1, phrase 2.


image : « Religion Stencil » by murdelta is licensed under CC BY 2.0

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