Appel aux catholiques républicains 2

Je suis catholique, et j’en ai marre.

Oh je vous entends ! « Ça y est, elle reprend enfin son clavier et c’est encore pour un coup de gueule, encore pour nous parler de sa religion. » Ben oui, désolée. Mais il se trouve que j’ai lu Le Catholicisme français à l’épreuve des scandales sexuels de Céline Béraud, et que je vous le recommande. (Elle était ce matin chez Patrick Boucheron, sur France Inter, merci à celui qui me l’a signalé 😉)

Je suis catholique, et j’en ai marre du cléricalisme, marre de la pensée engoncée, sclérosée, limitante, moralisante, discriminante, marre de l’entre-soi, marre que les intégristes parlent plus fort, marre des cathos-Cnews, en somme. J’en ai marre au point de me demander chaque jour si je ne me fais pas protestante, pour aller voir ailleurs si les esprits sont un peu plus ouverts. 

Il y a un malaise dans l’Église catholique, je pense que vous êtes au courant. Mais il y a plusieurs symptômes à ce malaise.

Le plus criant, le plus tragique et de très loin, est bien sûr la question des abus sexuels, sur mineurs, mais aussi sur adultes. Et je fais partie de ces gens qui en sont encore à croire qu’un ménage peut être fait. D’une part, en faisant voler en éclat un silence immonde qui s’entretient depuis des années sur ces questions ; d’autre part, en repensant la formation du clergé. Le premier point n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Écoutons ceux qui minimisent encore la gravité des actes, qui « mais tout de même c’est un saint homme plein de charisme et prêchant fort bien », qui « mais ce ne sont que quelques brebis galeuses », qui « mais les victimes veulent leur heure de lumière médiatique », qui « bah de toute façon il est trop tard pour eux », qui… Et en cela, je trouve que la prise de parole (si saluée, dans certaines paroisses au moins, de ce que je sais) de monseigneur de Moulins-Beaufort à Lourdes rate son but. Comment conclure en demandant à Dieu d’apprendre à son personnel à être fraternel avec les victimes ? Est-ce que ce n’est pas censé être dans la fiche de poste au recrutement ??

Le sous-texte de nombre de réactions, au sein du clergé comme des paroissiens, se résume sordidement à pleurer sur les victimes (bien plus qu’avec les victimes), à leur expliquer qu’on a tout compris, qu’on les pardonne de déranger, qu’on les remercie de nous montrer la souffrance qui est aussi celle du Christ,… On remercie les victimes de souffrir à notre place et de l’enseignement qu’elle nous apporte. Mais quel enseignement ? 

Quel enseignement si ce n’est pour changer de mode de vie et de pensée, pour désacraliser la figure du curé, qui je le rappelle, n’est qu’un homme ?! Un humain, comme chacun, plus érudit en théologie, plus engagé (en théorie, du moins) dans une vie pieuse et respectueuse de la parole du Christ. Mais un homme, faillible, approximatif, en apprentissage perpétuel du métier d’Homme. 

Ce qui emprisonne plus largement l’Église aujourd’hui, c’est une lecture bien archaïque du sacerdoce, mais malheureusement très installée dans l’imaginaire collectif.

Il n’y a aucune gloire à souffrir, on ne souffre pas pour les autres, on ne souffre pas pour quelque chose. Je ne suis pas forcément de ceux qui estiment que les abus sont directement liés au cléricalisme, mais le silence imposé, lui, l’est certainement. De plus, en règle générale, les abus se produisent quand une personne est en situation de puissance vis-à-vis d’une autre personne… Ce que le cléricalisme entretien, voire institutionnalise. 

Plus largement, donc, ce sont tous les symptômes d’une pensée archaïque et bien fière d’elle-même qui me font froid dans le dos. Je vois avec une relative inquiétude revenir les soutanes, j’entends avec effarement les murmures qui s’indignent d’une femme ministre de la Communion (c’est à dire qui, ponctuellement, lors de la messe, distribue la communion en supplément du ou des prêtres), « déjà qu’on les laisse lire », je me révolte du mépris de ceux qui jugent que tel ou tel n’a pas à être présent dans une église (parce que le bruit et les odeurs, parce que divorcé, parce que pas marié, parce que pas encore parent, parce que « pas sûr qu’il soit allé au catéchisme », parce que « il ne vient pas au groupe d’adoration, ni d’étude biblique », parce que…) qui rêveraient d’un retour à une atmosphère clanique, d’entre soi « rassurant » où toute la vie sociale de l’individu ne serait orientée et régie que par l’Église.

Oui, on en est encore là, et ce n’est malheureusement pas si rare… Il y a une frange de l’Église qui est restée coincée au 19e siècle. Et pourtant, il y a des prêtres fantastiques d’humanité, d’humilité, de charité. Ils existent, mais peut-être ne sont-ils pas assez contagieux dans leur attitude ? 

C’est là qu’arrive la nécessaire refonte de la formation des prêtres : les ancrer dans leur époque, cessez de les retrancher dans du hors-sol (qui n’est jamais très loin de la pensée de supériorité) où ils seraient bien éloignés des choses du monde pour se consacrer à la vie spirituelle.

Soit dit en passant, il faudra m’expliquer comment l’on peut se penser apte à être un guide spirituel au contact de ses paroissiens en se sentant à la fois bien au-dessus de tout ça… Les ré-ancrer dans le réel à travers des sujets nombreux, de la laïcité au consentement, à l’égalité femme-homme… Et je n’ose malheureusement pas encore croire possible qu’on aborde la question du genre dans son ensemble et sa diversité, bien que ce soit un rêve que j’aimerais vivre. La révolution copernicienne n’est pourtant pas impensable ! Plusieurs mouvements protestants l’ont faite ! Mais ce qu’ils ont en partage, c’est la chute du cléricalisme, de la primauté de la parole du curé, nimbé d’une aura mystique, dont on attend encore bien trop souvent qu’il soit un maître à penser, un prophète. Je maîtrise ma colère, difficilement, quand j’entends des catholiques parler de leur curé comme d’un gourou : « il nous montre le chemin, il nous explique le monde [ironique, cf. mon avis exprimé plus haut], il nous insuffle la vie, nous ne sommes plus perdus avec lui, il discerne pour nous le Bien et le Mal,… » N’en déplaise à beaucoup, la métaphore biblique du pasteur et de son troupeau… Ben c’est une métaphore. L’Homme est doué de raison, de libre arbitre, nous vivons dans un monde post-moderne qui n’a plus rien à voir avec celui d’où proviennent les Textes, ni même les usages et traditions cléricales… Il est urgent que les cadres de l’Église s’en rendent compte, il est urgent que l’ensemble des baptisés s’en rendent compte et prennent à bras-le-corps cette liberté ! Assez que les seuls qui s’expriment sur la dimension politique (au sens d’inscrit dans la cité) de notre religion soient des haineux et des bigots !

Montrons à tous qu’on peut être catholique et citoyen, inscrit dans un monde contemporain ; persuadé de l’égalité des individus ; respectueux de toutes appartenances, croyances, identités* ; à l’écoute ; bienveillant envers tous (et cela sans condescendance)… Montrons qu’on peut être un catholique qui pratique la Parole du Christ dans son essence même : aimer son prochain (Luc 10, 27), ne pas jeter la pierre (Jean 8, 7), regarder la poutre dans son œil (Matthieu 7, 3-5), partager la Lumière du Père et la Paix du Christ, exercer l’Amour, la Charité et l’Espérance !


*oui oui, elle vient d’écrire qu’on peut être catholique, féministe, pro-laïcité, pro-diversité culturelle et cultuelle, et allié LGBT+ (ou LGBTQIA+, le + symbolisant toujours la non-exhaustivité de l’appellation vis-à-vis de la diversité des appartenances sexuelles et de genre), et elle espère ne pas se faire lapider ! Mazette, je vis dangereusement, heureusement on est en France.


© Marie Bellando Mitjans

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