Lectures janvier 2021

Archanges – Velibor Čolić – Gaïa
Si vous trouviez que la trilogie de Beckett (Molloy, Malone meurt, L’Innommable) est trop longue et trop abstraite, vous avez ici un condensé. Tout l’effroi d’une sale guerre, de la lente et inexorable chute, décrépitude, perte d’humanité des bourreaux et des victimes. Qu’est-ce que l’enfer, qu’est-ce que le paradis, qu’est-ce que la culpabilité ? Le lecteur est happé dans le tourbillon de désespoir et de crasse morale. Car c’est de cela qu’il s’agit, une lourde gangrène rampante, le spectre de la guerre de Bosnie qui hante à mort, au sens propre, les protagonistes qu’ils aient commis les abjectes exactions décrites ou qu’elle soit l’ombre de la victime. Ce récit a la force d’une légende : une innocence pour toutes les innocences, un commandant fou et sanguinaire, un poète alcoolique, un fils en manque de reconnaissance, autant de visages de l’inhumain. Pour ceux qui cherchent un contexte, une explication, sur la guerre de Bosnie, passez votre chemin. Car cette guerre pourrait être n’importe laquelle : pourquoi des gens en sont arrivés à massacrer systématiquement d’autres gens ? Cela n’est pas le sujet. La question est comment leur âme en est arrivée là, pour ne jamais en revenir ? Chaque personnage est un archange de la mort, un archétype d’une forme de déchéance, personne n’en ressortira innocent, même pas, surtout pas le lecteur… comme l’auteur le répète « nous sommes tous coupables, puisque témoins. »

L’homme de neige, de David Albahari ••• un roman qui se lit d’un trait, car il n’y a pas de paragraphe, et décrit avec une puissance rare la lente descente de l’homme dans l’incompréhension. Cet homme, le narrateur, est un exilé, qui se heurte aux hommes de son nouveau pays qui se gargarisent d’avoir tout compris d’une situation qu’ils ne connaissent nullement, et lui imposent leurs jugements et vérités sans jamais écouter la sienne. 113 pages d’un cri silencieux, de l’homme qui à laissé son pays derrière lui, pays qui n’existe plus, pour ne trouver une terre d’accueil, une situation, mais aucune humanité. Ce récit nous rappelle qu’il n’existe aucun exil simple ou facile, même ceux qui peuvent paraître les plus aidés et organisés. Je recommande !

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