La ville s’endormait…

L’espérance est une vertu d’esclave ?

Allez vous faire voir avec ce genre de phrase. Qui d’entre vous peut se payer le luxe de ne pas avoir d’espérance ? Car ça revient exactement au même que d’accepter ou non d’être un Sisyphe et de vivre encore. Ce n’est rien de plus ni de moins. On n’a aucun courage, sans espérance. On n’entreprend rien, sans espérance. On ne se lève pas le matin, sans espérance. Qui êtes-vous, ceux qui dénigre cela ? Êtes-vous les mêmes qui dans votre confort — bien que très relatif, je l’entends et le sais — d’Occidental moyen se permettent de se dénigrer soi-même ? Je veux parler de ceux qui sont si fascinés par le grand large qu’ils peuvent vous dire à loisir qu’ils ne réussiront rien, puisqu’en France on ne réussit pas, par définition. Parce qu’en France ceci, parce qu’en France cela. Parce qu’ils n’ont jamais compris que la France, leur pays, notre pays, et comme beaucoup d’autres, est l’incarnation de rêves et de principes. Parce qu’ils attendent qu’on leur donne l’autorisation de… parce qu’il est si simple de rester assis en se disant qu’on ne peut pas que de se retrousser les manches et de saisir sa chance. « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque » disait René Char. Et c’est cela que je souhaiterai défendre. Non. C’est cela que je défends. Nous n’en sommes plus aux souhaits. Ce risque, dont parle René Char, c’est l’espérance à l’état brut. C’est éviter que le monde ne se défasse, comme le dira Camus.

Mais l’espoir de celui qui chaque jour remet son ouvrage en cause, qui chaque jour tente d’être un humain meilleur, d’améliorer comme il le peut le monde, sans jamais renoncer à croire que cela changera quelque chose, que le monde ne se défera peut-être pas… Cet espoir-là, c’est le moteur de la création, le faible courant électrique qui parcourt vos nerfs et vous permet de rester en vie. Cette espérance-là ne peut pas se permettre de vouloir détruire. Seulement réformer, éduquer, car elle se garderait bien de tomber dans l’intégrisme. Elle connait d’instinct cet écueil et en garde une humilité noble. Les espoirs qui veulent faire table rase, crient à l’infamie de tout, se sente briser et léser par tout et tous, cet espoir est une couardise qui se maquille en vertu morale. L’outrage par défaut, hurlant sans pédagogie, est du côté de l’aristocrate qu’on conduit à l’échafaud. Il n’est pas le cri de Danton qui s’offusque et explique. Bien sûr que les deux finiront de la même manière. Mais un seul des deux aura vécu selon son espérance et non ses habitudes. Un seul des deux aura semé en nous la flamme de la liberté, de l’audace, du respect et de l’esprit critique. Car c’est peut-être cela les quatre points cardinaux d’un monde à bâtir. Peut-être faudrait-il ajouter la ténacité à l’audace. La ténacité qui n’est que de l’audace qui ne se décourage pas. Le respect, qui limite sainement la liberté, qui permet d’écouter avant de parler, d’accueillir, de comprendre. Il est un prérequis évident à l’esprit critique, qui ne pourrait se concevoir sans appréciations de la pluralité des points de vues et de l’humilité qui s’en suit. Toujours se souvenir que l’on est humain, rien qu’humain, et que la science infuse n’est pas de ce monde.

Quelle serait la place de l’espérance alors ?

La place centrale, la place du cœur charitable, de la confiance. Car c’est par espérance que l’on fait confiance à l’autre, à la vie, à… C’est parce que l’on fait l’acte de foi sans cesse répété de croire que l’autre, que le groupe, que l’avenir, est animé de telle ou telle dynamique. Si l’on fait confiance au passant qui vous montre une rue, c’est parce qu’on espère qu’il soit comme nous et qu’il n’est aucune raison de mentir sur sa capacité à délivrer cette information. Chaque respiration est un acte d’espérance.



– Photo by Faris Mohammed on Unsplash


© Marie Bellando Mitjans

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