Quelles leçons tirer de la Convention Unesco de 2005 dans la définition d’une libre expression de la diversité religieuse au sein de la laïcité française ?

Pour ceux qui préfèrent écouter, il y a l’audio juste ici.

Introduction

À l’heure où l’on parle de séparatisme en France[1], notamment de la part des extrémismes religieux, et de réaffirmation de la Laïcité ; il semble juste de revenir sur cette définition et sur la possibilité de diversité religieuse et d’expression de celle-ci que ce cadre permet. Ces termes, de diversité et d’expression, ne sont pas sans rappeler l’intitulé de la Convention Unesco de 2005 : Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, dont la France et les pays francophones ont été les précurseurs. En effet, la Convention de 2005 s’appuie sur un certain nombre de textes préalables, comme la Déclaration universelle sur la diversité culturelle de 2001, et la Déclaration de l’Organisation internationale de la Francophonie du Sommet de Moncton (1999) sur la diversité culturelle. Ce dernier texte a le mérite d’avoir été décidé dans une enceinte plus restreinte que la sphère onusienne, par des chefs d’État et de gouvernement ayant en partage la langue française ainsi qu’un certain héritage culturel, mais bien conscients des différences culturelles de leurs pays, voire même au sein de leurs pays. On pense notamment au Canada bilingue et biculturel où le Québec était alors gouverné par le parti indépendantiste ; à la Belgique, plurielle ; et à côté de ces situations pacifiques, aux tensions dramatiques d’Afrique centrale sur fond de conflits ethniques et culturels. Après de nombreux débats, en parallèle d’actualités tragiques, ces textes tombent d’accord sur la nécessaire préservation des identités culturelles et leur égalité devant la Loi (suivant en cela les articles 22 et 27 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme[2]), ainsi que sur la souveraineté des États à définir eux-mêmes leurs propres politiques culturelles.

Bien que ce texte s’applique spécifiquement au domaine culturel, et non cultuel, quelles leçons pourrait-il nous apporter dans la définition d’une libre expression de la diversité religieuse au sein de la laïcité française ?

Nous y répondrons en étudiant tout d’abord le cadre juridique actuel régissant le concept de laïcité et les différentes formes d’associations cultuelles reconnues, puis en étudiant la Convention de 2005, ses principes, ses limites et ses directives opérationnelles, avant de voir quelle conciliation serait envisageable.

I. Le cadre Français de la Laïcité.

I. 1. Laïcité et liberté de Culte

Bien entendu, le concept de Laïcité, au sens où nous l’entendons en France, n’est pas envisageable à l’international. Cependant, il est intéressant de rappeler l’article 18 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH) : « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion. (…) » qui ouvre une légitimité supérieure, mais aussi un débat plus large, sur l’aspect universel de la liberté de croire. Cet article 18 de la DUDH fait écho à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789[3], mais également à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme[4], et enfin dès l’article 1 de la Constitution de 1958 « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. » La base est donc solide et ancienne, la liberté de religion fait partie des droits fondamentaux dont peut se réclamer un individu, tant que l’exercice de cette liberté ne va pas à l’encontre de la Loi ou de l’ordre public.

Il va de soi, cependant, que cette liberté doit s’inscrire dans le respect de l’État, et des autres religions. C’est pour cette raison que la Loi de 1905 débute par la formule on ne peut plus explicite : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public. » Cependant, il ne s’agit pas d’un reclassement total du religieux dans la sphère privée. En effet, si dès lors l’État ne salarie plus aucun membre d’un quelconque clergé (sauf exception régionales, sur lesquelles nous ne nous étendrons pas), il ne bannit pas pour autant la présence religieuse au sein de la société, et offre même un soutien non négligeable.

Ainsi, les aumôneries militaires, hospitalières, pénitentiaires ou de toutes autres structures publiques où le citoyen peut résider et doit donc bénéficier de sa liberté de culte, sont avalisées et facilitées par les administrations dont elles dépendent (État-Major des armées, hôpitaux, ministère de la Justice, recteurs d’académies…). On peut remarquer ici une dissymétrie du niveau décisionnel : dans les cas de la santé et de l’éducation, le niveau local est responsable de ces aumôneries. Ce fait permet une plus grande flexibilité et adaptation aux besoins de la population locale, qu’un niveau national ne pourrait garantir. Par ailleurs, l’État protège la liberté de Culte en pénalisant la discrimination pour raison religieuse (Article 31) ainsi que la dégradation de lieux de culte. Le titre IV de la Loi de 1905, quant à lui, prévoit la création et le statut « des associations pour l’exercice des cultes », c’est-à-dire : gestion des rites, des catéchèses… nous y reviendrons un peu plus tard.

I. 2. Restrictions à la liberté de Culte

Dans ce cadre, quelles sont les restrictions à cette liberté ? Si la France garantit la liberté et l’égalité des cultes devant la loi, il va de soi que ces cultes se doivent de la respecter. Le clergé et les associations cultuelles sont ainsi tenus de s’abstenir de toute prescription politique (afin de garantir la liberté politique de leurs fidèles). Comme tout autre citoyen ou association, ils sont responsables devant la loi de leurs déclarations publiques, qui ne peuvent donc ni diffamer une personne ou institution, ni inciter à la haine, ni appeler au crime ou au non-respect de la loi… De même, les manifestations religieuses extérieures à un lieu de culte sont traitées à égalité avec les autres manifestations publiques et doivent obtenir l’autorisation des autorités compétentes (préfectures, mairies, etc.).

D’autre part, certaines prescriptions religieuses peuvent entrer en friction avec les cadres légaux. C’est le cas de certaines prescriptions vestimentaires ou alimentaires. Si un compromis très clair a été trouvé pour les règles d’abattage, il n’en est rien pour les menus de cantines, par exemple, qui peuvent aller à l’encontre de la liberté de culte si aucune des options proposées n’est conforme aux prescriptions religieuses du citoyen/consommateur.

La question vestimentaire, est, comme nous le savons, largement plus débattue. Si la loi du 11 octobre 2010 interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public se comprend aisément en termes de sécurité publique, la loi du 14 mars 2004 sur les « signes ostensibles[5] », elle, demeure largement incomprise. En effet, la formulation, lapidaire « Dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. » laisse planer le doute et la libre appréciation de ce qui est considéré comme « ostensible ». Si ce texte donne compétence aux chefs d’établissements de juger ce qui l’est ou non, de même qu’il est du ressort du chef d’entreprise de refuser des vêtements qui seraient incompatibles avec la fonction, l’aspect subjectif de ces jugements ne peut être nié, et entraîne de ce fait (parfois) un sentiment d’injustice et d’arbitraire, qui heurte le sentiment de liberté de culte du croyant.

Dans cette optique, la Charte de la laïcité à l’école fait un travail remarquable, en affirmant la nécessaire neutralité des établissements, des enseignements, visant à « assurer aux élèves l’accès à une culture commune et partagée[6] » ainsi que « le respect (…) du pluralisme des convictions[7] ». Dans ses formulations plus précises, et la démarche pédagogique qui l’accompagne, elle est un média important de l’apprentissage du concept même de laïcité et de liberté de croyance, d’opinion, d’expression. Elle atteste, de manière accessible, des libertés fondamentales, et du respect absolu du bien commun et du droit. Dans les divers débats actuels, un rappel aussi clair de ces principes pourrait être souhaitable, et cela envers l’ensemble des citoyens, afin de réaffirmer que les limites garantissent la liberté.

I. 3. Associations cultuelles

Afin de régir et encadrer la liberté de culte dans la limite du droit, l’État reconnaît des associations cultuelles. Ces associations répondent aux lois applicables aux associations (loi de 1901) mais aussi à des contraintes particulières. Comme définit dans la loi du 9 décembre 1905 et celle du 2 janvier 1907, ces associations ont pour mission d’assurer les rites d’une religion ou croyance : gestion (acquisition, location, construction, entretien…) des lieux, formation des ministres du Culte ou des croyants (catéchèse), tenue des cérémonies. Les associations cultuelles, comme toute association Loi de 1901, souhaitant jouir d’une capacité juridique, doivent être inscrites au Journal officiel, et pour cela ne pas avoir été signalées au Tribunal de Grande Instance par la préfecture[8] suite à la présentation de leurs statuts et mission. Ce n’est qu’à partir de ce point qu’elles pourront recueillir des dons et organiser des événements publics. Une obligation supplémentaire s’applique aux associations cultuelles, celle de définir la zone géographique d’action, comme prévu à l’article 19 de la loi du 9 décembre 1905.  

La question des lieux de culte est étroitement liée à la gestion des communes. En effet, l’occupation des édifices existants, comme ceux à construire, est soumise à approbation des services publics[9]. De même que les manifestations sonores dans l’espace public (cloches, par exemple, ou appel d’un muezzin) doivent être approuvées par le Maire, ou le Préfet si un accord n’est pas trouvé entre entité religieuse et municipalité.

D’autre part, le droit français prévoit les actions d’autres associations à caractères religieux, opérant dans le domaine de la santé, de l’éducation, des œuvres sociales diverses, ou encore les congrégations religieuses qui bénéficient d’un statut particulier. Ces associations à objet religieux sont plus proches des associations de 1901, mais bénéficient également d’un droit d’exercer un culte. Ce maillage d’associations à mi-chemin entre le cultuel et l’utilité publique est d’une riche diversité, et d’une grande nécessité à l’État : l’aide au plus démunis, par exemple, qu’elle soit assurée par le secours populaire ou le secours catholique, le secours islamique ou la Tsedaka (entre autres), est une nécessité que l’État seul ne pourrait assurer. Nous voyons, dans l’exemple mentionné ci-dessus, que la diversité d’obédience est manifeste et retranscrit une volonté d’œuvrer pour la cité.

Nous voyons, à la lumière de ce cadre juridique, que la liberté d’exercice de culte est largement garantie, tandis que son expression est soumise à des règles plus strictes afin de garantir la laïcité de l’État, des édifices publics et de l’espace urbain. Aux vues de ces mêmes textes, on constate que le législateur a toujours tenu à assurer la liberté de culte, tandis que la garantie de sa diversité n’existe que dans la mesure où la population s’organise pour se faire reconnaître, et l’expression de cette diversité religieuse, loin d’être encouragée, est soumise à l’appréciation des autorités, référents locaux (Maires, recteurs…) et jurisprudences.

II. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, Unesco, 2005

II. 1. Les principes

Dès la première ligne de son préambule, la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,Unesco, 2005 (appelée ci-après, pour des raisons pratiques, Convention de 2005) affirme « que la diversité culturelle est une caractéristique inhérente à l’humanité ». Elle décrit, en suite, les différentes modalités de cette diversité, qu’elle soit de langues, de domaines de créations, de traditions… 

Afin de protéger cette liberté, et de favoriser le dialogue entre les différentes cultures et leur compréhension mutuelle, la Convention en appelle à une pédagogie renouvelée, où les cultures seraient présentées dans leur égale dignité et leur pluralité, ainsi qu’à encourager la création artistique témoignant de leur vivacité. Ce processus, selon l’article 12 de la Convention, doit également s’appuyer sur la société civile. Par société civile, on entend ici dans le modèle français, tout le réseau associatif que l’on connaît. Ainsi, la liberté d’appartenance culturelle et de pérennité de celle-ci est confiée à l’éducation autant qu’aux initiatives citoyennes.

Dans l’Article 16, la Convention exprime la nécessaire mise en place d’un traitement préférentiel pour les artistes issus des pays en développement, de la part des pays développés. Ce point, qui peut sembler être de la simple solidarité internationale, est aussi appréciable d’une autre manière. Compte tenu de la richesse de population des pays développés, due à l’immigration, cet article offre un cadre favorable à la venue dans les pays développés, au contact de populations entretenant des liens particuliers avec des pays en développement, d’artistes du Sud. Le bénéfice est alors multiple, il s’agit de préserver une forme d’héritage culturel pour ces populations issues de l’immigration, de faire connaître et apprécier des cultures tierces au reste du public, d’offrir des perspectives de diffusion (et donc de professionnalisation et de gains accrus) à des artistes et cultures de pays en développement.

La Convention de 2005 a pour objet indéniable, rappelé dès son préambule et son article 1 « d’encourager le dialogue entre les cultures afin d’assurer des échanges culturels plus intenses et équilibrés dans le monde en faveur du respect interculturel et d’une culture de la paix ». La diversité pensée par ce texte est une diversité en échange et en dialogue, une diversité préservée par le respect mutuel et entretenant celui-ci. Il ne s’agit pas d’imaginer une diversité faite d’enclaves indépendantes, mais bien une diversité dans le dialogue, voire le métissage. Cela se peut dans des sociétés de plus en plus plurielles dans leurs appartenances (nous ne reviendrons pas ici sur un des concepts mêmes du post-modernisme) respectant les Droits humains fondamentaux.

La richesse de cette diversité et sa nécessaire préservation se voit plus avant dans l’attachement à la préservation des cultures en danger, par l’ensemble de la communauté internationale, comme le stipule l’article 17.

Une fois ces principes définis, la responsabilité et les modalités de mise en œuvre de cet accès à l’expression et d’accès à la culture sont renvoyées aux états qui demeurent, bien entendu, souverains sur leur sol. On peut ici voir un parallèle avec les textes français qui renvoient tant de décisions au niveau local, afin d’y garantir, peut-être, la bonne entente et la meilleure compréhension des enjeux.

II. 2. Les limites

Dès l’article 2, pensant déjà à la possibilité de dévoyer la Convention de 2005 afin de ne pas respecter la DUDH, au titre de la fameuse exception culturelle qui rendrait certaines libertés fondamentales proprement incompatibles avec des usages locaux liberticides, l’assemblée souligne que les deux textes se complètent mais sans jamais pouvoir être opposé l’un à l’autre. On retrouve, ici, une dynamique fort semblable à celle observée dans le cadre français de liberté de culte, qui ne doit en aucun cas s’opposer au cadre légal garantissant égalité et sécurité de tous. Mais le point le plus capital dans sa formulation, et le plus révolutionnaire peut-être, est le troisième principe de l’article 2[10], proclamant l’égalité de dignité et de respect des cultures. Il s’agit là, face au temps long, d’abolir définitivement les idéologies de domination ou de mission civilisatrice dont l’histoire offre tant de sinistres exemples.

Si les cultures sont égales, elles ont logiquement un droit égal à l’expression et chaque humain détient un droit égal à l’accès à ces cultures, quelles qu’elles soient. Bien entendu, il s’agit ici d’un vœu pieux, car les inégalités économiques et géographiques rendent cet accès théorique difficilement transcriptible dans les faits. D’autre part, il s’agit pour la Convention de garantir aux « créateurs » l’accès aux canaux de diffusion dont ils souhaiteraient se saisir, voire d’inciter leur gouvernement à leur en faciliter l’accès. Le texte encourage également à la préservation des cultures menacées de disparition[11]. Pour cela, la Convention prévoit des dynamiques d’échanges, partenariats et soutiens financiers entre gouvernements et organisations intergouvernementales, ainsi qu’un Fonds international dédié, afin de palier, notamment, aux inégalités Nord/Sud.

Force est de constater que la pluralité culturelle, et la promotion de celle-ci au sein des états, est peut-être le point le plus débattu des processus de ratification. En effet, c’est sur ces points que le plus de réserves sont manifestées par les états. Certaines de ces réserves peuvent être vues comme bénignes : la réaffirmation de la primauté du droit en vigueur dans l’état en matière d’immigration sur les éventuelles procédures de facilitation d’échanges culturels (Australie, Nouvelle-Zélande…) tandis que d’autres révèlent des tensions plus tragiques : le refus de l’Azerbaïdjan de promouvoir la culture du Haut-Karabagh, par exemple.

II. 3. Les directives opérationnelles

Ces directives, ensemble de recommandations et de bonnes pratiques, entrent dans un niveau de détail très intéressant. Loin de se limiter à des principes généraux, elles détaillent un grand nombre de situations possibles, de points d’attention à marquer, de problèmes éventuels en leur apportant des exemples de solutions.

La directive concernant les mesures destinées à promouvoir les expressions culturelles souligne dans son principe 1.3 l’importance de la société civile et de l’intégration de l’ensemble des minorités (sociales, ethniques, etc.) dans les dynamiques d’expressions de la diversité, et cela dans l’ensemble des étapes de la création et de la diffusion culturelle. Cette précision, qui semble tomber sous le sens, à pourtant un intérêt certain, celui d’éviter une main mise d’une majorité qui dicterait ou validerait de l’extérieur, et avec une connaissance limitée, les pratiques d’autres groupes.

À fin de suivi de la mise en œuvre des politiques en accord avec la Convention de 2005, les États sont appelés à élaborer et remettre des rapports d’exécution tous les quatre ans. Dans ces rapports, l’accent doit être mis sur des mesures tangibles, des données statistiques[12] permettant une meilleure appréhension de la situation, mais aussi d’intégrer dans leur rédaction l’ensemble des acteurs, et les institutions gouvernementales de la plus locale à la plus globale[13]. Il s’agit ici de faire adopter une rigueur propre aux sciences sociales pour définir et soutenir les pratiques culturelles. Ces connaissances ont pour but d’être diffusées et partagées, comme le prévoit l’article 19 de la Convention de 2005, et la directive spécifique[14].

Mais pour impliquer chaque niveau de la société, un plan d’éducation publique est nécessaire, comme l’évoque l’article 10 de la Convention de 2005. Le point 5 de la directive concernée[15] détaille notamment les attentions à porter à la valorisation de la diversité dans les programmes d’enseignements, la formation des instituteurs aux diverses cultures en présence et à préserver dans son environnement direct, l’intervention d’artistes divers dans les institutions. Cela dans un but d’ouverture d’esprit des élèves, de mise en présence de la diversité culturelle, d’initiation aux pratiques culturelles. Ces dynamiques sont bien sûr appelées à être retranscrites dans les politiques culturelles publiques, à destination des citoyens plus âgés, en synergie avec la société civile[16]. L’ensemble de cette sensibilisation, bien qu’en priorité pensée au niveau local, afin de garantir la libre appartenance culturelle des intéressés, doit aussi s’accompagner d’une sensibilisation plus large. La Convention de 2005, la préservation des cultures en danger, la diversité culturelle au niveau international, doivent être abordées dans les programmes et les politiques culturelles publiques, comme le souligne aussi la directive « Éducation et sensibilisation du public » ainsi que la directive portant sur la visibilité et la promotion de la Convention[17].

Nous avons, ici, volontairement laissé de côté les considérations propres à l’aspect économique, à l’industrie culturelle, et tout ce qui est propre aux mécanismes onusiens, cela n’entrant que difficilement en cohérence avec les questions cultuelles, de laïcité et de diversité religieuse.

III. Laïcité et diversité des expressions cultuelles ?

III. 1. Cadre Français de la liberté d’expression

Avant d’entrer plus avant dans la question de l’éventuelle promotion de la diversité des expressions religieuses en France, il me semble important de revenir sur le cadre légal de la liberté d’expression. Cette liberté est une des premières inscrites dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à l’article 11[18]. Bien entendu, cette liberté, comme toutes les autres énoncées dans cette déclaration et les constitutions suivantes, ne peut s’exercer que dans la limite où elle ne nuit pas à autrui. Les incitations à la haine, la diffamation, l’appel aux crimes, sont donc formellement et logiquement proscrits et pénalisés.

Mais que faire des propos choquants ? Des propos que certaines religions prennent pour du blasphème ? Le législateur, on s’en doute, ne peut pas trancher. Il s’agit d’un long processus pédagogique à mettre en place et à rappeler sans cesse : le blasphème n’est pas considéré dans la loi. L’attaque directe d’un individu ou d’un groupe de manière gratuite et incitant à la haine est interdite ; si un individu ou un groupe se sent lésé par les expressions d’autrui, il peut avoir recours au système juridique. Ce cadre est à réaffirmer sans cesse, comme l’actualité nous en fait régulièrement le sinistre rappel. La liberté d’expression des cadres religieux est une problématique à part entière. Car, s’ils sont parfaitement libres de leurs opinions comme tous citoyens, ils n’en restent pas moins des relais d’opinions dont l’influence ne peut être négligée. Comme je le disais plus haut, ils sont appelés à une responsabilité accrue et une plus grande vigilance quant à ce qui déborde du cadre de la loi, dans leurs propos ou ceux de leurs fidèles. Si, de même que le contrôle de toute haine verbale sur les réseaux sociaux, le contrôle de l’ensemble des discours religieux n’est pas envisageable (ni souhaitable, au regard de la liberté d’expression et de la loi de 1905), il semble pourtant que deux réponses puissent être apportées à ce problème. D’une part, former à la liberté d’expression et à la laïcité les cadres religieux, ainsi que promouvoir le dialogue constant entre eux et les autorités locales — ce qui implique également une meilleure formation desdites autorités aux questions religieuses. D’autre part, offrir une possibilité de signaler des propos qui sortiraient du cadre juridique, à l’image du site « internet-signalement.gouv.fr », dédiée aux pratiques religieuses pourrait être envisagée. Si la solution n’est pas forcément idéale, elle permettrait néanmoins de responsabiliser les communautés et d’ouvrir une porte aux fidèles qui, attachés aux valeurs républicaines, seraient témoins de propos allant à l’encontre de celles-ci.

III. 2. Nécessaire affirmation de la diversité des minorités religieuses

Les derniers sondages réalisés par l’Observatoire de la laïcité (grâce à l’institut ViaVoice)[19], rendus publics en janvier 2020 font état de chiffres intéressants sous plusieurs aspects. D’une part, 35 % des sondés se déclarent croyants, et seulement 15 % des sondés estiment leur pratique comme « très importante » dans leur vie. Toute appartenance religieuse est, donc, une minorité. Cette minorité se divise encore, bien entendu, en diverses appartenances. La question qui est peut-être la plus pertinente vis-à-vis de l’affirmation et de la promotion de la diversité religieuse est la suivante « vous sentez-vous lié à l’une des religions suivantes ? » où les sondés se répartissent comme suit : 47 % proche du catholicisme, 3 % de l’Islam, 3 % du protestantisme, 2 % du bouddhisme, 1 % du judaïsme, 1 % d’un christianisme oriental, 1 % d’autres appartenances, mais également 8 % de non-répondants et 34 % se déclarant proche d’aucune religion. En effet, les données ne précisent pas de profils recoupés et nous ne pouvons pas savoir si des athées (29 % des sondés) se déclarent culturellement proches d’une religion, ou si des croyants préfèrent s’abstenir d’afficher leur appartenance. Et le doute est permis, si l’on croise les données avec celles concernant la laïcité qui montrent que 35 % des interrogés estiment que la laïcité en France souffre des « discriminations que subissent des citoyens à raison de leur religion supposée ». Si une opinion telle que celle-ci est si commune, on peut sans mal se dire que certains prennent pour habitude de masquer leur appartenance, y compris lors de sondages.

Le travail titanesque de l’ouvrage Les minorités religieuses en France sous la direction d’Anne-Laure Zwilling[20], souligne l’aspect de mosaïque des appartenances religieuses en France, mais aussi des cultures religieuses. Car, il s’agit bien également d’appartenance à une culture religieuse, puisque 61 % des sondés répondent que leur pratique religieuse est très peu importante/inexistante ou nulle[21].

Cet ouvrage dénombre plus de 75 appartenances différentes, suffisamment constituées pour pouvoir être recensées, étudiées, disposer peu ou prou d’associations répondant de la loi de 1905 ou de 1901. La démarche de recherche effectuée ici me semble doublement intéressante dans la perspective qui nous occupe ; d’une part, le recensement de ce maillage associatif qui assure la visibilité et la possibilité de relai d’opinion et de pédagogie, à la manière de celle prévue par la Convention Unesco de 2005 ; d’autre part, l’intérêt porté au dialogue interreligieux. En effet, quel magnifique point d’appui que ces rencontres, débats, colloques, festivals, interreligieux pour afficher la diversité religieuse en France et leur cohabitation pacifique. Comment ne pas imaginer une généralisation de ces initiatives, d’invitation de responsables religieux d’autres cultes lors de célébrations de fêtes importantes. Par expérience personnelle, les Journées européennes du Patrimoine sont une belle tribune, laïque, pour ce genre de rencontre. Faire visiter un lieu, présenter du patrimoine purement culturel, permet de dédramatiser les différences cultuelles et de partager ce qui peut l’être dans un cadre de respect et d’enrichissement mutuel. On peut, bien entendu, envisager ce genre de partage autour d’une grande diversité d’événements, et cela par simple incitation de la part, soit des pouvoirs publics soit des autorités religieuses. Pour exemple, et tout en respectant la neutralité républicaine : les Maires, qui sont, de fait, en dialogue avec les associations loi de 1901 ou de 1905 de leur territoire, pourraient leur suggérer ce genre de rassemblement culturel, au même titre que de participer à l’annuel forum des associations.

III. 3. Laïcité et expression publique

Pour définir un cadre de promotion de la diversité des expressions religieuses en France, à la fois fondé sur les principes de laïcité et de la Convention Unesco de 2005, il est important que les principes actuels de la laïcité soient compris et acceptés par la population.

Pour revenir sur l’État des lieux de la laïcité en France[22], on peut se réjouir de ce que les principes de laïcité soient finalement largement compris et acceptés, par exemple : 79 % des sondés répondent correctement concernant la neutralité religieuse à l’école, 71 % concernant la neutralité des administrations et de leurs employés, 55 % des sondés sont conscients de leur liberté d’exprimer une appartenance religieuse dans l’espace public… et enfin 54 % des personnes interrogées choisissent correctement la définition de laïcité parmi les réponses au choix[23] et 49 % y sont « très attachées » et 34 % « assez attachées »[24]. De même, 50 % des personnes interrogées sont conscientes que la laïcité actuelle protège l’ensemble des citoyens dans sa liberté de croire ou de ne pas croire, 45 % ne remettent nullement en cause la loi de 1905.

En revanche, on peut s’interroger sur la courte majorité (50 %, 16 % de non-réponse et 34 % de réponse correcte) qui estime que « L’obligation de neutralité s’impose systématiquement au sein des entreprises privées » et de celle (50 %, 14 % de non-réponse et 36 % de réponse correct) qui assimile l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public à la laïcité, et non, comme nous l’avons vu, à une notion de sécurité publique. En effet, si nous souhaitons envisager une politique de promotion de la diversité des expressions religieuses en France, dans le cadre de la laïcité, c’est en s’appuyant sur la société civile et la liberté dans la sphère privée, et donc une parfaite compréhension du cadre légal. Il est alarmant, enfin, de constater que 24 % des personnes interrogées, ce qui est tout de même une part non négligeable, estiment qu’aucun dialogue entre État et organisation religieuse ne devrait exister. Ceci est problématique sous plusieurs aspects, d’une part cela signifie que, pour eux, les organisations religieuses ne jouissent pas des mêmes droits que d’autres organisations (syndicales, culturelles, etc.) et d’autre part, couper tout à fait ce dialogue ne pourrait mener qu’à un clivage plus avancé encore des identités religieuses (que nous qualifierions de contestataires, ou tendant à l’extrémisme) envers l’État qui leur tournerait le dos. Ce point étant le plus souvent relevé comme défi principal de la laïcité dans les années à venir[25].

Enfin, en s’appuyant toujours sur la même étude, on remarque que les avis sont très partagés sur la juste application de la laïcité par les autorités[26]. Ce constat m’amène à penser qu’un support de pédagogie sur la laïcité, semblable à la charte de la laïcité à l’école, devrait être élaboré, affiché, expliqué, au sein des différentes institutions concernées, et les personnels formés de manière plus active et systématique. Les médias ont également un rôle à jouer, dans une dynamique de facilitation du dialogue, et non de polémique[27]. Là encore, un code de bonne conduite et de représentativité des diversités, comme prévu par la Convention Unesco de 2005, est à imaginer.

Conclusion

On trouve l’écho de toutes les problématiques liées à la diversité religieuse en France, et des nécessaires réponses à y apporter, dans l’Étude sur l’expression et la visibilité religieuses dans l’espace public aujourd’hui en France, remise par l’Observatoire de la Laïcité au Premier Ministre en juillet 2019. Je citerai ici les propos de Yann Raison du Cleuziou : « pour certains, quand l’autre donne son opinion, c’est une forme de prosélytisme dont ils seraient victimes. Toutes les controverses sur la visibilité religieuse aboutissent à une culture de la méfiance à l’égard de la liberté d’expression, et par conséquent à une déformation du rapport à la laïcité, que certains surinvestissent comme un mode de censure, et non plus comme une protection des libertés et un outil permettant de trouver un équilibre entre libertés

individuelles et cadre collectif. » On voit ici l’illustration de la nécessaire affirmation et promotion de la diversité des appartenances religieuses en France, seule dynamique à même d’apaiser aussi bien les esprits chagrins que de diminuer la prise sociale des extrémismes. Quant à la réaffirmation des principes de la Laïcité à la française, nous avons remarqué qu’ils sont relativement bien compris et efficaces, mais qu’une œuvre de pédagogie de grande envergure reste envisageable et souhaitable, à travers les médias et les institutions, pour pouvoir rendre compte de la diversité (religieuse mais aussi de toute autre minorité, car les débats sont vastes et se recoupent) et désamorcer au plus tôt les risques de tensions.

Ces efforts ne résoudront pas par magie les problèmes liés aux tendances séparatistes ou extrémistes, de tout bord, qui refuseront toujours la laïcité, la pluralité voire la modernité dans son ensemble, mais il s’agit de faire « Tout ce que je suis capable de faire avec la raison, c’est empêcher le basculement de ceux qui se posent des questions.[28] » comme le propose Sophie Mazet, à propos du complotisme, qui est lui aussi une tendance au refus de la diversité et de la complexité du monde. C’est en s’appuyant sur ces enseignants, fonctionnaires, bénévoles, religieux, cadres associatifs, de bonne volonté, empreints de respect et formés au dialogue, qu’il faut réaffirmer auprès des jeunes (et moins jeunes) leur appartenance à la société française – aussi imparfaite et peu accueillante qu’elle puisse être ou paraître – qui passe par ses valeurs laïques et sa diversité. Enfin, je terminerai en citant Abd Al  Malik, dans son dernier ouvrage Réconciliation : « La République, les idées démocratiques et laïques et les institutions qui en sont issues se suffisent à elles-mêmes. Et, si elles sont correctement comprises et strictement appliquées, vont même dans le sens des plus grandes sagesses traditionnelles et universelles.[29] »


[1] Discours du Président Emmanuel Macron le 2 octobre 2020 aux Mureaux.

[2] Déclaration universelle des Droits de l’Homme, article 22 (extrait) « [toute personne] est fondée à obtenir la satisfaction des droits (…) culturels indispensables à sa dignité et au libre développement de sa personnalité » article 27 (extrait) « Toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté ».

[3] Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la Loi. »

[4] Convention européenne des droits de l’homme (1950) « Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (…) La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi , constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

[5] LOI n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics

[6] Charte de la Laïcité à l’école, article 7 « La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée. »

[7] Charte de la Laïcité à l’école, article 8 « La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions. »

[8] En vertu de l’Article 3 de la loi du 1er juillet 1901 « Toute association fondée sur une cause ou en vue d’un objet illicite, contraire aux lois, aux bonnes mœurs, ou qui aurait pour but de porter atteinte à l’intégrité du territoire national et à la forme républicaine du gouvernement, est nulle et de nul effet. »

[9] Article L1311-2 du Code général des collectivités territoriales, au sujet des baux emphytéotiques ; délivrance d’un permis de construire par le Maire.  

[10] Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles,Unesco, 2005, Article 2, point 3. Principe de l’égale dignité et du respect de toutes les cultures : La protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles impliquent la reconnaissance de l’égale dignité et du respect de toutes les cultures, y compris celles des personnes appartenant aux minorités et celles des peuples autochtones.

[11] Voir l’article 8 de la Convention.

[12] Directive « Partage de l’information et transparence », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa troisième session

(2011) et révisées lors de sa septième session (2019), point 6 et 7.

[13] Directive « Partage de l’information et transparence », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa troisième session

(2011) et révisées lors de sa septième session (2019), point 13.

[14] « Échange, analyse et diffusion de l’information », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa troisième session (2011)

[15] « Éducation et sensibilisation du public », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa troisième session (2011)

[16] Rôle si important qu’une directive lui est intégralement dédiée, « Rôle et participation de la société civile », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa deuxième session (2009)

[17] « Mesures destinées à assurer la visibilité et la promotion de la Convention », approuvée par la Conférence des Parties lors de sa troisième session (2011)

[18] « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi »

[19] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020.

[20] Les minorités religieuses en France : Panorama de la diversité contemporaine, sous la direction d’Anne-Laure Zwilling, Bayard, 2019

[21] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 28. « Personnellement, comment estimez-vous l’intensité de votre pratique religieuse ? »

[22] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020.

[23] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 9, « Dans le droit français, diriez-vous que la laïcité est actuellement… ? »

[24] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 13, « À titre personnel, diriez-vous que vous êtes très attaché, assez attaché, peu attaché ou pas du tout attaché au principe de laïcité telle que vous la pensez définie par le droit actuellement ? »

[25] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 22, la quasi totalité des problèmes évoqués relèvent de la crispation des identités et des discriminations réelles ou ressenties qui en découlent.

[26] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 18 et 19

[27] État des lieux de la laïcité en France, Étude d’opinion réalisée par ViaVoice pour l’Observatoire de la laïcité, janvier 2020, page 23.

[28] Sophie Mazet, professeure dans Le 1– n°322 (11 novembre 2020).

[29] Abd AL Malik, Réconciliation, Paris, Robert Laffont, 2021.

Image : Photo by Matthieu Joannon on Unsplash

Un avis sur « Quelles leçons tirer de la Convention Unesco de 2005 dans la définition d’une libre expression de la diversité religieuse au sein de la laïcité française ? »

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