
đ Semezdin MehmedinoviÄ
đ Le matin oĂč jâaurais dĂ» mourir
đ Le bruit du monde
Il est des livres qui touchent des vĂ©ritĂ©s secrĂštes, enfouies on ne sait oĂč en nous, trĂšs trĂšs loin dans lâespace et le temps⊠Cet ouvrage en fait partie. Sans raison apparente â je prĂ©cise que ce livre ne comporte aucun pathos, aucune tristesse dans sa narration, seulement une grande douceur et simplicitĂ©, une grande proximitĂ© de la langue et de la vie â je lâai lu presque dâun trait, avec un Ă©trange sentiment de larmes aux yeux. Il touche quelque chose que je ne saurais signifier, et cela mâarrive si rarement que je compte ce type de livres sur les doigts dâune main : Dans le faisceau des vivants (ValĂ©rie Zenatti), Ederlezi (Velibor ÄoliÄ), La belle amour humaine (Lyonel Trouillot) et dĂ©sormais celui-ci. Ma thĂ©orie est la suivante, ces rĂ©cits parviennent Ă toucher une vĂ©ritĂ© humaine supĂ©rieure, quelque chose qui est dans la dĂ©finition mĂȘme de lâhumain, au-delĂ de toute expĂ©rience personnelle qui nous relierait particuliĂšrement Ă leur narration. Il va de soi que je les place donc trĂšs haut dans mon estime. đ Un grand bravo Ă cette maison dâĂ©dition de faire rayonner la littĂ©rature dâex-Yougoslavie (dâune part) et cette pĂ©pite en particulier (dâautre part).

đ AndrĂ© Markowicz
đ Et si lâUkraine libĂ©rait la Russie ?
đ Seuil
Conseil lecture aujourdâhui, pas vraiment un avis. Et si lâUkraine libĂ©rait la Russie, dâAndrĂ© Markowicz, est un ouvrage important en ce moment. Il dresse le contexte historique et social â nĂ©cessaire pour comprendre la guerre â avec beaucoup de prĂ©cision et de pĂ©dagogie. Je vous recommande vivement de vous le procurer.

đ AndreĂŻ Kourkov
đ Le Pingouin
đ Liana Levi
Encore un coup de cĆur, je crois quâAndreĂŻ Kourkov est en train de devenir un de mes auteurs prĂ©fĂ©rĂ©s !
âEst-ce que cette histoire est absurde ? Oui.
âEst-ce quâelle est invraisemblable ? Non.
âEst-ce quâelle est une mĂ©taphore magnifique dâun homme post soviĂ©tique dans un monde quâil ne comprend plus, oĂč il cherche Ă survivre, faire le bien, respecter une Ă©thique, tisser des liens, retrouver son humanitĂ© ? Oui.
âLâhistoire ? Un journaliste a adoptĂ© un pingouin au zoo de Kyiv lorsquâil a fait faillite, pour le nourrir et se nourrir il accepte de rĂ©diger de trĂšs Ă©tranges textes, et va se retrouver au cĆur de sombres pĂ©ripĂ©ties digne dâun thriller mafieux.
âĂa vous donne envie ? Foncez đ

đ Antoine de Saint-ExupĂ©ry
đ Lettre Ă un otage
đ Folio
Un classique Ă lire et relire đ
Cet opus de Saint-ExupĂ©ry est aussi bref que dense. Il sâagit dâune lettre, comme le titre lâindique, Ă son ami LĂ©on Werth, restĂ© en France lors de la Seconde Guerre mondiale alors que Saint-Ex est aux Ătats-Unis. Dans ce texte, il pointe la dĂ©finition de lâhumanitĂ©, du bonheur et de lâĂąme. Rien que ça. Je sais que ça peut paraĂźtre grandiloquent de ma part, mais câest en substance la vĂ©ritĂ©. Il expose des moments et des faits oĂč lâHomme va plus loin que lâHomme et touche Ă lâuniversel, ou plus prĂ©cisĂ©ment Ă la fraternitĂ© universelle.

đ AndreĂŻ Kourkov
đ Le camĂ©lĂ©on
đ Points
Je continue mon exploration de lâĆuvre de Kourkov, par ce roman dâaventures, cette quĂȘte archĂ©ologique et spirituelle complĂštement loufoque tout en Ă©tant dâune grande profondeur philosophique. Le narrateur part en quĂȘte dâun trĂ©sor : des reliques du grand Taras Chevtchenko (grand nom de la littĂ©rature ukrainienne, comme le serait un MoliĂšre ou un Hugo) perdue au Kazakhstan (oĂč il vivait en exil). Traversant lâUkraine, la mer noire, le Kazakhstan, puis encore tout un tas dâautres rĂ©publiques eux-soviĂ©tiques sur le chemin du retour, il explore son for intĂ©rieur, la dĂ©finition de la nation, le mystĂšre de la vie et de lâamour. Ăcrit avec humour, lĂ©gĂšretĂ©, mais parsemĂ© de trĂšs belles maximes, câest un ouvrage purement addictif que je recommande vivement.

đ Mathieu Belezi
đ Attaquer la terre et le soleil
đ Le Tripode
Alors, commençons par une confession, je ne connaissais pas cet auteur. Pourtant il a une longue carriÚre littéraire derriÚre lui, entamée en 1988.
Cet ouvrage traite dâun sujet douloureux et toujours dâactualitĂ© : la colonisation algĂ©rienne au XIXe siĂšcle. Sa forme nous prend en otage, littĂ©ralement et littĂ©rairement en alternant entre chapitres (trĂšs brefs) oĂč nous entendons la pensĂ©e dâune femme Ă qui on a promis lâeldorado sur cette terre du bout du monde et qui vit un effroyable cauchemar ; puis celle dâun soldat qui fait taire lentement sa conscience au grĂšs des exactions commises. La langue employĂ©e est dâune telle fluiditĂ© et dâune telle musicalitĂ© que lâon enchaĂźne les pages en se tenant toujours au bord du malaise, sans jamais tomber dans le dĂ©goĂ»t ou lâapitoiement. Et cela tĂ©moigne dâune force et dâune justesse dâĂ©criture remarquable.
Car ils sont nombreux les ouvrages qui nous rendent lâhumanitĂ© intolĂ©rable et nous plongent dans le dĂ©sespoir et la nausĂ©e, que lâon referme en se sentant dĂ©finitivement sali. Ce nâest ici absolument pas le cas. Il y a ce mĂ©lange dâhumanitĂ© et de distance, dâĂ©quilibre entre le fait et lâĂ©motion, qui mâa fait ressentir de la gratitude envers lâauteur pour ce tĂ©moignage dâune partie si mĂ©connue et passĂ©e sous silence de lâhistoire algĂ©rienne et française. Je pense quâune partie de cette justesse rĂ©side dans lâincarnation du rĂ©cit au prĂ©sent, au prĂ©sent immĂ©diat, qui dispense de toute justification ou misĂ©rabilisme. Comme les personnages, nous sommes Ă la fois acteurs, tĂ©moins et piĂ©gĂ©s dans une histoire bien plus vaste, oĂč nous tentons dâavancer quand mĂȘme minute par minute.
Pas étonnant que ce livre soit couronné du prix littéraire du Monde.
Je recommande, sans mesure ni restriction.

đ Miguel Bonnefoy
đ L’inventeur
đ Rivages
Comme toujours, Miguel Bonnefoy nous prend par la main et nous emmĂšne dans son monde, dans son conte, et nous nous asseyons bien sages Ă lâĂ©couter, Ă©merveillĂ©s par la fluiditĂ© de son style. Dans cet ouvrage nous rencontrons lâinventeur dâune des premiĂšres solutions dâĂ©nergie renouvelable, sous NapolĂ©on III, dont les dĂ©couvertes extraordinaires furent occultĂ©es par les modes et les Ă©vĂ©nements politiques. Ce rĂ©cit est beaucoup plus actuel quâon le croit : en plus de la querelle charbon/solaire pour se chauffer, on y aborde le crĂ©dit que lâon donne aux sciences, Ă la valeur de lâargent et du travail, Ă la place des rĂȘves, de la libertĂ© et de la dignitĂ© dans nos vies. Un livre Ă plusieurs niveaux de lecture, Ă plusieurs sensibilitĂ©s, je recommande !

đ Jason Mott
đ Face Ă eux
đ MosaĂŻc
Grande dĂ©couverte pour moi, grĂące Ă Â @le1deslibraires ! Je ne connaissais pas Jason Mott et par curiosité⊠je suis tombĂ©e dans Face Ă eux. LittĂ©ralement tombĂ©e, car ce livre nous aspire comme un film ou une sĂ©rie. Un jour, les morts rĂ©apparaissent, vingt, trente, quarante parfois un siĂšcle aprĂšs leur disparition. Comment les accueillir ? Quel effet sur les personnes qui ont dĂ©jĂ fait leur deuil ? Et sur celles qui nây sont jamais parvenues ? Comment les rĂ©intĂ©grer (ou pas) dans la sociĂ©tĂ© ? Quel regard poser sur ce miracle ou cette Ćuvre du dĂ©mon ? Autant de questions qui traversent le livre et nous sont posĂ©es Ă nous-mĂȘmes. Avec une infinie dĂ©licatesse et pertinence, lâauteur nous attire dans les rĂ©flexions des uns et des autres. Il en rĂ©sulte un abĂźme de recherche intĂ©rieure sur ce que nous considĂ©rons ĂȘtre nos souvenirs, nos perceptions, notre attachement aux autres⊠Un grand livre dont on ressort diffĂ©rent.