Lectures (1e trimestre 2023)

🖋 Léonora Miano
📖 Stardust
📚 Grasset

C’est bouleversant, ça se lit d’un trait, comme un long chant. Oui, car ce n’est pas un cri. Il y a de la structure, il y a du rythme, il y a des tenants, des aboutissants, des pensées, des émotions, de la dignité, de la réflexion, de l’avenir surtout. C’est donc une longue mélodie jazz, comme les œuvres que Léonora Miano cite, à côté de poèmes forts et vibrants. C’est la dure réalité des oubliés, des marges les plus sombres de notre société dont elle fait le portrait en livrant un parcours, son parcours, pour s’en sortir. Et pourtant rien n’est implacable, rien n’est fatal, rien n’est infranchissable. La force incroyable de son écriture, en plus de transcender la noirceur, de nous la livrer comme on retourne ses poches, est de sillonner entre l’objectivité, l’émotion et l’espoir. Elle transmet à la fois un pincement au cœur et une force ineffable.

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🖋 Ivan Jablonka
📖 Histoire des grands-parents que je n’ai pas eus
📚 Points

Ivan Jablonka nous embarque sur les traces perdues du Yiddishland, en Pologne dans son cas, pour retracer l’histoire de sa famille. À travers ses recherches, les approximations des mémoires et des traces qui s’effacent avec le temps, les regrets et les espoirs, la réalité du temps présent qui entre en collision avec les souvenirs… il dresse le portrait de personnages forts qui témoignent à leur manière du destin des Juifs est-européen arrivés en France avant la Seconde Guerre mondiale et disparus durant celle-ci. Historien et universitaire, Ivan Jablonka réalise le tour de force en allier précision historique et émotion du récit. Je souligne qu’il s’agit d’un ouvrage accessible à tous, et que je recommanderai même surtout aux lecteurs qui ne savent absolument rien (outre les grandes lignes des programmes scolaires) sur la vie à l’Est de l’Europe au début du siècle, les débuts du communisme, la culture juive ashkénaze, les migrations vers la France, la vie sous Vichy, la question mémorielle aujourd’hui, etc.

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🖋 Del Kilhoffer
📖 Pauli Murray : sainte, queer, féministe
📚 Ampélos

C’est avec une grande curiosité que j’ai entamé cette biographie de Pauli Murray, juriste américaine, défenseuse des droits civiques et de l’égalité de genre aux États-Unis, décédée en 1985 et déclarée sainte par l’Église épiscopale. Dans cet ouvrage, bref et passionnant, Del Kilhoffer parvient à nous faire saisir l’ampleur de l’engagement politique et religieux de Pauli Murray, mais aussi la profondeur de son questionnement identitaire queer. De plus, sans s’appesantir en détail, l’autrice recontextualise à merveille son récit, en nous donnant les clefs indispensables à la compréhension des réalités états-uniennes des années 1910 à 1980. Elle présente, en français, un personnage qui mériterait d’être beaucoup plus connu tant son parcours est inspirant et toujours pertinent. Je vous recommande donc grandement cette lecture, mais également tout le catalogue de cette maison d’édition (que je ne connaissais pas, il faut l’avouer) qui comprend plusieurs autres biographies!

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🖋 Andreï Kourkov
📖 L’oreille de Kiev
📚 Liana Lévi

Andreï Kourkov nous offre ici une plongée dans les temps plus que troubles de Kyiv en 1919, où nul ne sait vraiment qui règne sur le pays, où toute parole est déjà mesurée et analysée pour en trouver un sens caché. Entre réalisme et fantastique, comme à son habitude, l’auteur distille de grandes vérités humaines et une galerie de personnages comiques, attachants, complexes et vibrants.

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🖋 Dominique Bertail (dessin) ; J.-D. Morvan & Madeleine Riffaud (texte)
📖 Madeleine, Résistante T1
📚 Dupuis

Quelle claque. Étant une admiratrice de Madeleine Riffaud, je savais un peu de quoi il allait être question dans ces pages. On la suit ici de sa naissance à ses 17 ans, et son entrée officielle dans la Résistance. On parcourt les départements meurtris par la Première Guerre mondiale, les visites de famille à Oradour-sur-Glane, les échos de la guerre d’Espagne, la défaite et l’installation du régime du Vichy, les débuts des réseaux de Résistance… Les dessins sont époustouflants et transmettent une charge émotionnelle incroyable. Le récit, fluide, vivant, dur mais empreint de poésie, laisse sans voix. Je vous recommande vivement ce premier tome, le deuxième sort en août de cette année 😉

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Et enfin, en ce début d’année, j’ai partagé avec vous de nombreux poèmes sur mon Instagram. Car, comme disait Tristan Tzara, « la poésie est plongée dans l’histoire jusqu’au cou » elle l’est donc aussi dans notre présent et dans les luttes d’aujourd’hui pour l’Amour et la Liberté.