Sur le Concerto pour violon de John Adams

Il est des mythes qui s’effondrent sans bruit, dans un silence équivoque, même. Sans même un frémissement, se lever et comprendre que jamais plus on ne pourra prier pour tout le monde. La liste est trop longue, toujours sur cette Terre nous serons forcés par la faiblesse de nos consciences d’oublier quelqu’un dans l’effroyable liste de drames… ou alors faudrait-il user de formules si vagues, génériques, qu’elles emporteraient avec elles solennité et humanité. Non, formuler sa compassion à tous ceux qui souffrent, plutôt qu’oser se confronter à une litanie imparfaite de lieux et de faits… c’est opposer une simple minute de silence pour plus de trois millénaires de guerres.

Au loin, mon âme aimerait entendre une cloche et penser qu’elle sonne sans raison. Sans raison, hein… peut-on encore dire ces choses-là ? L’ignorance n’est pas l’absence. La cécité n’est pas le vide. L’impératif, bien qu’illusoire, est de se figurer que l’on peut encore vivre : pour témoigner de la vie elle-même et accepter pleinement son rythme et sa complexité. Vivre parce qu’il faut nécessairement que des vivants respirent pour porter encore un témoignage. Parce qu’il faut des témoins, parce qu’il faut des bâtisseurs et des artisans qui se lèvent et se lèveront encore demain et après-demain et le jour suivant et le siècle prochain… pour animer le fol espoir d’une humanité plus vibrante. Le souffle et l’étrangeté, tenir ensemble l’équation insoluble du grief et de la bénédiction, sentir son cœur exploser de peine et d’amour, tenir les extrêmes puisque le sort est jeté de toutes ses forces dans une course démentielle… puisque création et destruction sont liées et qu’il y a bien longtemps que nous nous entraînons à refuser la haine et l’exclusion.

Aimer, chercher à comprendre par delà toutes forces et parfois toutes raisons. Chercher encore comment faire sens et faire humanité. Sans trahir d’émotions, sans désespérer devant les volontés mortifères et les lâchetés courantes, devant les sinistres passions sanguinaires et les mortifères émois populistes. Trouver un chemin comme on espère une source, arpenter les étendues sauvages à la recherche d’une civilisation perdue ou d’une âme amicale. C’est soi, c’est toujours soi que l’on fuit et retrouve, tout humain fragment du Souffle… Vouloir décoder les rythmes et dévisager les mystères pour ouvrir une nouvelle humilité, et peut-être, peut-être, tendre absolument une main adelphe, avant de disparaître.


© Marie Bellando Mitjans

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